Il y a des affaires qu'on veut vraiment accomplir dans la vie quotidienne mais qui ne se concrétisent jamais. J'appele ça la "malédiction du quotidien", genre, les aléas normaux de la vie qui nous empêchent d'avancer. Oui, c'est un truisme de le dire, mais comme les écrivaillons n'ont rien à déplorer quand il fait beau les samedi après-midi, je le dis quand même. Nah.
Vous connaissez Tous pour un? Une émission à Radio-Canada, animée par Francis Reddy. On pose des questions pointues sur un sujet particulier à un grand connaisseur de ladite matière. Genre: quel était le nom de l'assistant-entraîneur du Canadien de Montréal en 1952? à quelle page de quel album apparaît le capitaine Haddock pour la première fois dans les aventures de Tintin? quel juron lance constamment le personnage de Guy dans l'épisode 145 d'Un gars, une fille? Les gens de l'émission sont présentement en période de recrutement pour la prochaine saison. Je sais depuis la fin de l'automne que l'un des sujets est la Deuxième guerre mondiale.
C'est un conflit qui m'a toujours intéressé, aucune idée pourquoi. Je me souviens d'avoir dévoré pas mal de livres sur le sujet quand j'étais ado (être nul en sports a ses avantages, au fond). Et pas plus tard qu'il y a deux ans, j'ai fait un cour complet à l'UQAM sur le sujet. "Tiens, tiens, que je me suis dit, je pourrais profiter du conflit de travail au JdM pour me replonger là-dedans et passer les tests de sélection."
Début janvier, quand le lock-out a été décrété (sauvagement, si je puis ajouter une petite touche syndicale à un blogue qui ne l'est vraiment pas), j'ai décidé d'attendre quelques jours avant de commander les deux bouquins que R-C conseille d'étudier pour se préparer. Le temps d'établir ma nouvelle routine, que je pensais. Les jours ont passé, puis les semaines; je trouvais toujours quelque chose de mieux à faire, ou plutôt, je décidais de ne rien faire. Les lock-outs ont ceci de particulier qu'ils provoquent chez les employés un immense sentiment de je-m'en-foutisme et de paresse envers tout, j'imagine.
Bref. La semaine passée, ça y est, l'illumination survient. La bouche pleine de l'écume du guerrier intellectuel, j'ouvre Amazon.ca sur mon fureteur, je débusque les deux livres et les commande, souriant déjà méchamment à l'idée de clancher tout le monde au test de sélection. On me dit que la cygogne des livres déposera le paquet devant ma porte d'ici deux jours. En attendant, je fais avec les moyens du bord et me gave de pages Wikipedia pour rafraîchir ma mémoire.
Les jours passent. Deux, trois (tiens, ils sont en retard), quatre, cinq (allons, le temps presse...), six, sept. Tabarnak! Je reçois un courriel d'Amazon, qui m'explique cavalièrement qu'ils n'ont pas reçu je ne sais quelle confirmation, et vous nous excuserez, mais on annule votre commande, merci de magasiner chez nous.
Me voilà donc gros Jean comme devant, à deux semaines exactement du test écrit, sans bouquin pour étudier. Fuck it. Je vais y aller pareil, à leur examen, études ou pas.
Je ne serai pas sélectionné (à moins que je ne sois un autiste non-diagnostiqué qui se souvient des dates et des noms sans aucun effort, ce dont je doute), mais au moins, je pourrai emmerder la malédiction du quotidien.